3 November 2021

Carte Blanche : CovidSafeTicket ou l’abandon sous la pression

Ce week-end était mon week-end annuel de pélerinage dans notre capitale... Petits endroits fétiches, balades sous la pluie et expos, mon programme était, comme toujours, très simple. Cette année pourtant, je venais avec quelques questions à adresser à mes désormais confrères bruxellois :

Dans l'ordre : "Quelle est votre prise de position à propos du Covid Safe Ticket?" - "Comment faites-vous?" - "Avez-vous eu des contrôles?"

Avant même d'avoir pu ouvrir la bouche, on me l'a demandé, ce Covid Safe Ticket. J'en ai été assez désarçonnée mais j'ai fouillé dans mon sac, trouvé mon téléphone, pianoté sur l'appli ad hoc et présenté 'patte blanche'. J'ai quand même posé mes questions mais c'était pure rhétorique. Après 1 mois de lancement du CST dans l'horeca à Bruxelles, c'est sans appel, tout le monde l'applique et la police, quant à elle, applique les contrôles. Il n'y a pour autant pas d'excès de zèle mais tous, policiers comme tenanciers, sont premiers de classe. J'avoue, je me suis sentie un peu bête... Que pouvaient-ils faire d'autre? Le reste du week-end, j'ai trimballé mon vieux smartphone et son chargeur car en panne de batterie, toutes les portes se fermaient.

Durant, ces dernières semaines, on nous a beaucoup posé la question à Louise et à moi:

"Qu'allez-vous faire en novembre? Vous allez nous demander le CST?".

Nous vous avions répondu invariablement non.

"Non, on ne vous le demandera pas. Nous refusons que l'Etat se déresponsabilise auprès de l'horeca. Nous refusons de vous demander un certificat ou une pièce d'identité quelconque. Notre café se veut inclusif".

Et aujourd'hui, à la veille de réouvrir après ce long week-end, je nous sens coincées : entre nos valeurs et la réalité. Une amende équivaudrait probablement pour Café Joli à mettre la clé sous la porte. Les montants sont astronomiques (jusqu'à 2500 euros par infraction) et notre ASBL ne peut pas tenir la distance. Et en toute transparence, nous préférons que nos bénéfices servent à l'achat de livres et à l'organisation d'événements culturels...

En écrivant ces lignes, j'ai peur de demain, du premier client à qui on demandera de montrer ce précieux sésame. Que ferons-nous si cette personne n'en possède pas? Refuser de la servir? C'est tellement aux antipodes du lieu que l'on a créé! Je me sens en colère contre ce gouvernement qui nous oblige à endosser ce rôle de contrôle... qui lui revient et pour lequel il s'est engagé! Je n'ai aucune légitimité à vous demander quoique ce soit, je n'en ai aucune envie et j'enrage de me voir obligée à le faire. A ce stade du récit, vous avez évidemment compris ce que je m'apprête à écrire noir sur blanc :

Oui, à partir de demain (3 novembre), nous vous demanderons le Covid Safe Ticket mais nous ne vous mettrons pas dehors. C'est le compromis, un peu bancal il est vrai, qu'on a trouvé...

Notre position est ambigüe, nous en sommes conscientes... Mais nous en appelons à la responsabilité de chacun.

Chers clients, chers amis avec qui nous partageons nos cafés, nos rires et nos avis... entendez nos excuses de vous soumettre à ce contrôle... et marchez avec nous <3

Bisous,

Noé & Lou

12 October 2021

Boys don’t cry

En me baladant entre les rayons chargés de la chouette librairie liégeoise Le Livre aux Trésors, j'en ai reçu un, de trésor : un livret intitulé "Boys don't cry" et son sous-titre éloquent "20 romans jeunesse pour dégommer les clichés". Là, mon coeur a fait BOUM. Car s'il est bien un sujet chez Café Joli qui nous est cher, c'est bien celui qui se préoccupe d'inculquer aux jeunes générations une éducation non-genrée, loin des clichés et où un garçon peut jouer à la poupée et une fillette aux pompiers (pour être dans le cliché, justement).

Edité par Initiales (une association de librairies indépendantes) et en collaboration avec la célèbre maison d'édition jeunesse l'Ecole des Loisirs, ce livret est une mine d'or rassemblant 20 titres de son impressionnant catalogue. Leur point commun? Ils "dynamitent les a priori" : "avec génie et poésie, ces coups de coeur racontent le monde tel qu'il est: dans toute sa complexité, dans toute sa diversité. Chacun offre aux enfants, ces futurs adultes, des moments à eux, associant plaisir et réflexion, pour se construire sans contraintes" (Julie Remy, présidente d'Initiales).

Parce qu'un tel trésor se doit d'être partagé, nous vous retranscrivons ci-dessous cette liste qui est classée par âges (oui, oui, intelligent ET pratique!).

Les voici donc... BonneS lectureS!

à partir de 6 ans

Clémentine du Pontavice, Truc de fille ou de garçon? coll. Moucheron, 2019

Jessica Love, Julian est une sirène, coll. Pastel, 2020

à partir de 8 ans

Dominique Mainard et Jeanne Boyer, Ma vie en 17 pieds, coll. Neuf, 2008

Florence Seyvos, Nanouk et moi, coll. Neuf, 2010

Christine Avel et Jean-Luc Englebert, Ulysse 15, coll. Neuf, 2015

Brigitte Smadja, Il faut sauver Saïd, coll. Neuf, 2003

à partir de 11 ans

Marie-Aude Murail, Oh boy! coll. Médium poche, 2015

Kathleen Karr, La Longue Marche des dindes, coll. Neuf, 1999

Colas Gutman, Journal d'un garçon, coll. Médium poche, 2017

Marie-Aude Murail, Simple, coll. Médium poche, 2015

Fanny Chiarello, Holden, mon frère, coll. Médium poche, 2015

Marie-Aude Murail, Maïté coiffure, coll. Médium poche, 2015

Anne Cortey, En émois, coll. Médium, 2019

Eric Pessan, Aussi loin que possible, coll. Médium + poche, 2018

à partir de 13 ans

Sylvain Pattieu, Amour chrome, coll. Médium+, 2021

Martin Page et Coline Pierré, La Folle Rencontre de Flora et Max, coll. Médium+, 2015

Xavier-Laurent Petit, Be Safe, coll. Médium + poche, 2016

Anne Percin, L'âge d'ange, coll. Médium + poche, 2018

Gary D. Schmidt, Jusqu'ici tout va bien, coll. Médium + poche, 2020

Marie-Aude Murail, Sauveur et fils, coll. Médium + poche, 2018

15 March 2021

Ne m’oublie pas

Ça sonne comme une injonction… C'est ce que dit Clémence à sa mamy atteinte de la maladie d'Alzheimer. A moins que ce ne soit l'inverse ? La supplication d'une mamy qui s'accroche à ses derniers souvenirs et qui se sent partir ?

Alix Garin nous raconte l'histoire de Clémence qui, en désespoir de cause devant sa mamy qui fugue sans arrêt de la maison de repos et qui risque la camisole chimique, décide de l'emmener en balade. Une longue balade, puisque l'idée de Clémence est de se rendre jusqu'à la maison d'enfance de sa grand-mère, dont cette dernière parle sans arrêt, dans l'espoir de lui remettre la mémoire en place. Une balade mouvementée et rocambolesque, qui fait des détours du côté des propres souvenirs et soucis de Clémence.

Ce roman graphique, il m'est arrivé dans les mains un mois à peine après le décès de ma propre grand-mère, qui s'égarait et se complaisait aussi dans son passé. Qui avait aussi envie de partir de la maison de repos où elle séjournait et qui le faisait savoir en empaquetant ses effets personnels, au grand dam des aides-soignants. Ce récit est déjà émouvant de base, mais alors là, avec ce récent vécu, j'avoue avoir eu plusieurs fois la larme à l’œil...

Les dessins sont terriblement expressifs et en même temps, tout en légèreté. Je n'en reviens pas de l'intensité des expressions ou de certaines scènes, esquissées en quelques traits. J'aime la façon dont l'artiste a utilisé les couleurs, pour rythmer le récit ou traduire une émotion. Je trouve les dialogues vrais, sans rien de superflu, tantôt poétiques, tantôt incisifs.

Bref, oui, j'ai accroché, à fond ! J'en perds peut-être un peu mon sens critique 🙂

Il n'empêche qu'Alix Garin traite un sujet de société, qui a été propulsé d'autant plus sur le devant de la scène en cette crise sanitaire. Le roman questionne nos rapports aux aînés, à nos (grands)-parents vieillissants, à leur dignité, à leur héritage. Et parle aussi de l'urgence de dire les choses avant qu'il ne soit trop tard. En tout cas, c'est l'enseignement que je retiendrai de ce magnifique récit.

Louise.

Alix Garin, Ne m'oublie pas, paru aux Editions du Lombard, 2021

9 February 2021

Une page se tourne…

Aujourd’hui, c’était mon dernier jour à prester en tant que salariée dans un centre R&D liégeois. En partant, j’y ai laissé mon badge d’accès, mon pc, mon téléphone, bref, tout ce qui m’avait été prêté durant ces sept dernières années pour pouvoir mener à bien ce travail de chercheur/ingénieur de projet/ « senior project leader », comme indiqué sur ma carte de visite (et sur toutes celles non distribuées, qui ont fini en un petit tas un peu pathétique dans la poubelle à papier). Une page se tourne, non, bien plus que ça, un chapitre se termine.

Je ne vais pas m’étaler sur mes états d’âme du moment, de la fierté de me lancer en tant qu’indépendante pour un projet qui me tient à coeur à l’anxiété à l’idée de perdre une rémunération stable et confortable ; du soulagement d’avoir l’esprit libéré pour me consacrer exclusivement à Café Joli et Joli Livre à la nostalgie de ne plus vivre ces moments bénis propres à la recherche où – mais ça n’arrive pas souvent – tout s’imbrique finalement, où l’expérience et l’analyse apportent la pièce manquante du puzzle complexe de la Vérité des phénomènes (oui, oui, la Vérité avec un grand V, n'est-ce pas ce que cherche tout chercheur ?).

Hum, y aurait-il une once de regret qui percolerait de ces quelques phrases ? Non, je saute à pieds joints dans cette reconversion professionnelle, mais je retiens en même temps mon souffle. J’espère que je ne chancellerai pas (trop) à la réception !

Je vous entends déjà (enfin, certains !)… Ah mais, qu’est-ce que tu croyais ? Que ça allait être facile ? A piece of cake ? Des coups durs, il y en aura (la crise sanitaire qui s’éternise, en voilà déjà un, et paf !) Maintenant que tu as un vélo, tu pédales !

Euh... oui, bien sûr.  Heureusement, je ne suis pas la première, ni la dernière, à vouloir changer de cap et je peux compter sur celles et ceux qui se sont lancés avant moi, dans l'espoir d'un mieux. Et un témoignage qui m’a rassénérée et confortée dans mon choix, c’est sans nul doute celui de Pedro Correa, qui le relate dans Matins Clairs, Lettre à tous ceux qui veulent changer de vie. Car c’est bien de ça dont il s’agit, d’un changement de vie.

La première fois que j’ai entendu parler de Pedro Correa, c’était, comme pour beaucoup, via les réseaux sociaux. J’ai visionné la rediffusion de son discours aux ingénieurs de l’UCL sur Facebook. Discours inspirant, vrai car personnel, interpellant. C’était au début du premier confinement. Café Joli n’en était qu’à son stade embryonnaire.

Ensuite, la seconde fois, c’est justement un collègue de mon boulot salarié qui me parle de ce livre écrit par un ingénieur de sa promo, devenu photographe, quelqu’un qui a fait le grand écart professionnellement parlant… C’est bon, j’achète !

Pedro Correa explique son parcours. Il détricote sa vie pour comprendre comment il est arrivé à occuper un poste de cadre dans une grande banque avant de tout quitter pour vivre de son art. Il raconte les pressions familiale, sociale, sociétale.

Evidemment, les parallèles se font. A mon tour, j'ai tenté de faire le même exercice en me demandant ce qui m'a conduite là aujourd'hui, à quel point les avis de mes parents et de mes proches ont compté, et surtout, comment je les ai interprétés. Ce livre est une invitation à un travail d'introspection.

Le ton est humble, sincère et c’est ça aussi qui fait mouche : alors, oui, Pedro Correa a magnifiquement réussi sa transition puisqu’il est devenu ce photographe de renom, mais plus encore, un photographe HEUREUX. Mais il n’y a pas une once d’orgueil dans ses propos, pas de « faites comme moi, car moi, je sais COMMENT faire, regardez où j’en suis ». Il tient un discours fédérateur et si galvanisant que lorsque j’ai refermé son livre d'une centaine de pages, j’ai eu le sentiment moi aussi d’appartenir à la Relève, comme il l’appelle, heureuse et avide d’oser le changement.

Chers désormais ex-collègues, vous qui me lirez peut-être, vous que je sens tantôt intrigués, tantôt dubitatifs, lisez ce livre et on en reparle ! Parce qu’on a tous besoin d’inspirations, de remises en question et de clés pour aller chercher le bonheur.

Louise.

En savoir plus sur Pedro Correa : Pedro Correa Fine Art Photography (pedrocorreaphoto.com)

Pedro Correa, Matins Clairs, Lettre à tous ceux qui veulent changer de vie, paru aux Éditions L'iconoclaste, 2020.

3 February 2021

De l’intérêt des librairies indépendantes… et d’y aller!

Je dois vous faire une confession... je suis très maladroite quand j'essaie de convaincre quelqu'un. Tout ce qui sort de ma bouche a le ton de "MOI, je SAIS. Toi, tu ne sais RIEN. Petit(e) béotien(ne) va"... Bref, c'est pas gagné quand il s'agit de rallier les gens à ma cause.

Un exemple tout simple : quand j'essaie de convaincre ma grande soeur d'aller dans des libraires indépendantes. Quand je la vois revenir avec des livres de chez C**** ou de la F***, mon coeur se fend en deux car je sais ce qu'elle a perdu... Rentrer dans une librairie indépendante est une expérience humaine tellement plus riche que de déambuler dans des rayonnages vides de sens sous des néons blafards en se trimballant un panier en métal comme si on était au supermarché.

Souvent, quand je creuse pourquoi un de mes proches s'est rendu dans une grande enseigne pour aller acheter un livre, j'ai toujours cette immanquable réponse "Mais ils ont tout en stock-là! On ne doit pas commander, on ne doit pas attendre..." Si j'avais gagné 1 euro à chaque fois que j'ai entendu cette phrase, ben ... on n'aurait pas eu besoin de faire une campagne de crowdfunding pour notre café littéraire! Cette réponse est un des plus grands dommages collatéraux de notre société où attendre est considéré comme une pure perte de temps, où tout doit aller vite 'ça télécharge pas assez vite', 'j'ai commandé mon plat il y a 10 minutes, le service est trop lent', 'mais pousse ta charrette, le feu est vert!'. Parfois, il est normal de ne pas tout avoir à disposition tout de suite. Parfois, c'est bien d'attendre. Et puis, cette histoire de stock ne se vérifie pas toujours. Ma soeur (encore elle! bisous coeur-coeur) m'a appelé un jour pour que je passe à la F*** lui chercher un bouquin qu'elle n'avait pas trouvé chez C***. Mon premier réflexe a été de demander :

"C'est une commande?

"Non"

"Ok, je peux aller autre part?"

Pour la petite histoire, je l'ai trouvé ce livre. Dans une librairie indépendante, une librairie chérie de mon coeur que j'aime beaucoup parce que je m'y sens bien, le Livre aux Trésors. Et en échangeant avec la libraire au sujet du livre en question, je me suis dit "Mais que ma soeur devrait parler avec cette super libraire qui en connait un rayon (ah! ah! ok je sors) sur ce thème si important pour elle!".

Quand j'essaie de défendre mon point de vue, je me lance dans une tirade sur le méchant capitalisme des grandes enseignes et du profit à tout prix et sors des phrases sous-argumentées du style 'ce-n'est-pas-une-vraie-librairie-n'y-va-plus-je-t'en-supplie'. Le constat est sans appel : ça ne marche absolument pas. Cerise sur le gâteau, je passe pour la grosse intello-snobinarde de service. Et la fois dernière, quand à la fin d'une misérable argumentation, ma soeur s'est sentie obliger de se justifier auprès de moi, je me suis dit "ça suffit tes âneries, écris un truc là-dessus, ça t'aidera à y voir plus clair et surtout ça t'évitera de culpabiliser tes proches". Parce que j'ai beau être, pour exemple, une adepte du bio/local, ça m'arrive souvent d'aller faire mes courses dans des supermarchés car j'ai manqué d'organisation, le frigo est vide et 'qu'est-ce que je vais faire à manger ce soir, me reste 1/2 oignon et une courgette famélique'. Bref, je ne vous jette pas la pierre, Pierre. Donc me voilà devant mon écran pour vous parler de formidables citoyens qui peuplent nos sociétés, les libraires indépendants (ma soeur, cette modeste bafouille est pour toi! Et PARDON de m'y prendre si mal). 

Je veux plaider la cause de ces librairies car elles le méritent. Pour toutes celles que je connais et celles que je ne connais pas encore. Entrer dans une librairie, c'est comme entrer un peu chez soi. L'odeur du papier est familière et enveloppante, les livres présentés sur les tables sont autant d'invitation à une nouvelle histoire, une nouvelle réalité. Vous allez me dire "ouais, ouais, ok. Mais ça, tu l'as à la F***! Chez C*** aussi! Il y a l'odeur du papier, les livres empilés, tout ça tout ça". Ah mais oui mais non, ça n'est pas pareil... Les sélections ne sont pas les mêmes, les livres en tête de gondole seront des livres qui "se vendent bien", les coffrets cuisine avec manique offerte voisineront avec une pyramide de coffrets DVD de la dernière série à la mode ou avec les compilations des livres T'Choupi... Dans une grande enseigne, il faut généralement "vendre" à tout prix. Ici, je vous parle de ma propre expérience puisque j'ai travaillé dans une "hyper-librairie". Si certains de mes collègues étaient des amoureux du livre, il n'en restait pas moins que nous étions considérés comme des "VENDEURS" et un vendeur doit "VENDRE", conseiller éventuellement mais surtout VENDRE. En toute transparence, plus en amont, avant même que les livres n'atteignent les tables, il n'y avait pas de sélection du livre, l'intégralité du catalogue était commandée au représentant qui n'avait même plus besoin de faire la promotion de son livre... Il gagnait pas mal de temps mais quelle perte de sens pour son métier, puisqu'on prenait TOUT.

"les 100 meilleures recettes de soupes froides? On prend!" - "le tour du monde en photos? On prend!" - "le dernier Amélie Nothomb? On prend!" - "la collection en coffret collector de tous les Martine? On prend!" etc. etc.

Et le plus difficile à vivre était que nous, libraires/vendeurs, n'avions même pas l'occasion de les rencontrer, ces représentants. C'était le Big Boss qui les rencontrait tous, un à un et qui commandait tout sans distinction aucune. Ce métier-là n'a rien à voir avec la librairie que je défends. Autant vendre des jeans ou des bulbes d'oignons, il n'y a pas de différence. C'est contre ce métier-là que je m'élève et c'est une des raisons pour lesquelles je privilégie les librairies indépendantes dont l'âme du métier est intacte. La sélection est là, le libraire est là pour vous conseiller, pour vous parler avec enthousiasme de sa dernière trouvaille, pour vous aider à trouver l'album jeunesse de votre enfance, pour écrire ces critiques attachées aux premières de couverture, pour échanger avec vous, apprendre de vous tout autant que vous apprenez de lui... Être libraire est un métier. Il demande du temps, de la patience, de la passion et... une formation.

Cette affiche, elle m'a été donnée par un libraire indépendant, propriétaire de la très chouette librairie spécialisée en livres photos, le Tipi Bookshop, à Saint-Gilles. Elle résume ma pensée et certaines des valeurs qui sont à la base de la création de notre asbl et de son café littéraire. Si le message n'était pas encore assez clair, la dernière phrase en capitales plus petites sonne comme une injonction : "Soutiens ta librairie de proximité". A notre époque, les commerces de proximité sont immensément importants car ils sont un formidable terreau d'échanges et de richesse. Imaginez une seconde leur disparition et les conséquences : des villes où règnent en maîtres absolus les grandes enseignes, leurs magasins standardisés et leurs produits industrialisés. C'est l'histoire tant rabâchée du gros poisson qui mange le petit... et qui conduit à une effroyable perte de diversité et de richesse.

Pour vous illustrer tout ça, le réseau des librairies indépendantes fait un formidable travail de sensibilisation. ASBL qui défend les intérêts des libraires indépendants, elle a édicté une petite charte sympa qui débute par une question toute simple : Pourquoi acheter toujours dans les librairies indépendantes? Mais oui, pourquoi?

1. Parce que chaque livre a sa chance

2. Parce que chaque libraire est un artisan

3. Parce que chaque librairie est un lieu de rencontre

4. Parce que la librairie est un commerce raisonné

5. Parce que les librairies indépendantes, c'est un réseau solidaire

Et à ce titre, voici toutes les chouettes librairies indépendantes qui peuplent notre jolie ville, poussez leurs portes!

Je vous embrasse bien fort et j'espère vite vous croiser dans un de ces indispensables lieux de rencontre et de culture. Gros bisous (et un tout spécial à ma grande soeur) !

(si votre librairie fétiche ne fait pas partie de cette liste, faites-le nous savoir... ;-)))

La Grande Ourse - Librairie jeunesse

Le Livre aux Trésors - Librairie généraliste

Pax - Librairie généraliste

La Parenthèse - Librairie jeunesse

Librairie Silex - Librairie pratique

La Commanderie - Librairie initiatique et philosophique

L'enseigne du Commissaire Maigret - Livres d'occasion (vente et achat)

Le Comptoir - Librairie généraliste

Librairie Entre-temps - Librairie généraliste

Toutes Directions - Librairie de voyages

Noémie

27 January 2021

Au n°14, Place Saint Pholien…

L'avancement des travaux va bon train, les derniers changements en date sont la pose des châssis et du revêtement de sol ! La petite devanture s'est métamorphosée, agrandissant visuellement du même coup l'espace intérieur.

Mais comment avons-nous atterri là ? Pourquoi faire germer Café Joli Livre précisément à cet endroit ?

Petit retour en arrière...

D'entrée de jeu, Outremeuse nous paraissait être LE quartier sympa où s’implanter. Chaleureux, populaire, multiculturel, festif aussi…  On s’y voyait déjà 😊

Alors, en mai dernier, quand le déconfinement s’est annoncé et que le soleil a envoyé valdinguer les nuages en quarantaine, on s’y est baladé. Sans but précis, si ce n’est se nourrir de l’atmosphère du quartier et repérer les surfaces commerciales à vendre ou à louer. Et là, en Roture, devant le restaurant la Divina, nous croisons un ami de Noé, prof de français et réceptif au projet. « Vous vous êtes déjà renseignées auprès de H. – encore un ami de Noé – actif dans l’immobilier à Liège ? »

« Euuh non, on n’avait pas pensé à lui mais c’est une piste à creuser. »

Et quelle piste ! Il s’est avéré que H. disposait d’un rez commercial inoccupé Place Saint Pholien. Pas très grand mais bien agencé, et moyennant quelques travaux de rénovation – et une bonne capacité d’abstraction – l’endroit nous a paru idéal pour y couver notre bébé. Merci H. !

Et après la signature du bail et quelques (gros) travaux, nous y sommes presque! Demain, notre cuisine arrive, on trépigne d'impatience 🙂


7 January 2021

Petite visite du jardin d’Irene Penazzi

On vous a déjà beaucoup parlé de cette chouette maison d'édition jeunesse Maison Eliza. On en est totalement fan, tant pour la qualité de son catalogue, que pour la mission qu'elle défend, un accès plus facile à la culture grâce aux livres. On n'avait pas encore eu l'occasion de rentrer dans le vif du sujet, c'est-à-dire les ALBUMS qu'elle propose.

Aujourd'hui, j'ai très envie de vous parler d'un jardin, un très joli jardin qui a pris vie sous les pinceaux et crayons d'Irene Penazzi, une illustratrice italienne plutôt douée pour mettre en images la douceur et la sérénité.

Dans le Jardin est l'histoire de trois enfants qui investissent un jardin dès les premiers jours de ce qu'on devine une belle saison... Que l'on devine car la particularité de ce livre est qu'il est sans aucun texte, pas un seul petit mot... Juste de magnifiques dessins dans lesquels on plonge avec bonheur tant ils fourmillent de petits détails et de jolies couleurs. Page après page, les saisons passent et avec elles, le jardin se métamorphose sous les 6 petites mains expertes de nos trois héros : un nichoir à construire, une volière à réparer, des gouttières à relier pour jouer avec la pluie, une grande fête d'anniversaire, des cerises à cueillir puis à déguster... Nos yeux n'ont pas le temps de s'embêter!

J'ai adoré cet album. Et ce pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, il a le mérite de mettre en lumière un jardin et par là, la créativité des enfants et leur incroyable curiosité lorsqu'ils sont dans un environnement sain et propice à la découverte. Le constat effrayant du nombre d'enfants scotchés aux écrans de tablettes ou de smartphones n'est pas nouveau... Même si ces outils peuvent avoir une fonction éducative (cela pourrait faire d'ailleurs l'objet d'un article à part entière), leur place est dehors à s'émerveiller d'une colonie de fourmis ou à chiper une pomme dans un arbre.

Ensuite, parce que l'absence de textes laisse une infinie variation d'interprétations propres à chacun... Chaque relecture fait découvrir des détails encore inconnus jusqu'alors et fait prendre conscience petit à petit de la discrète trame narrative qui sous-tend le récit imagé, comme le petit garçon qui recueille un oiseau et qui en prend soin le temps de quelques pages.

Enfin, parce que cet album est à mettre entre toutes les mains, mais surtout les petites. Sans texte, l'enfant est libre de raconter lui-même l'histoire, et pourquoi pas à son frère ou à sa soeur, et même à ses parents... De quoi inverser les rôles. Il peut à loisir raconter ce qu'il voit et on pourrait bien être étonné de ce que l'enfant peut voir que l'adulte ne voit pas... ou plus!

Petite cerise sur le gâteau, cet album peut se transformer en véritable outil éducatif : en demandant à l'enfant s'il a repéré tel ou tel détail ("où est le chat?" - "que fait le petit garçon?" - "combien d'oiseaux vois-tu?"), on l'aide à aiguiser son sens de l'observation tout en s'amusant.

Je ne vous recommande donc que chaudement ce magnifique album, vous le trouverez (ou commanderez) dans toutes les bonnes librairies indépendantes 😉

Et si vous ne voulez pas l'acheter, il sera bien rangé sur les étagères de la bibliothèque Café Joli en libre consultation!

Des bisous les copains et à très vite pour un prochain coup de coeur jeunesse!

10 December 2020

A bit lost

A l’instar de la petite chouette de Chris Haughton déboussolée et à la recherche de sa maman, nous tâtonnons, attaquant le projet par un aspect puis un autre, mais sans jamais réussir à en dessiner une version complète et  satisfaisante à nos yeux. Il nous faut un accompagnement, quelqu’un d’aussi bienveillant que le petit écureuil qui suit bébé chouette dans sa quête vers sa maman.  Et nous trouvons une aide précieuse en la personne de Sylvain Finamore, qui a vécu mille vies avant d'accompagner les personnes désireuses de se lancer dans une activité d’indépendant. Il nous interroge et nous challenge sur des sujets à la fois vitaux et totalement absents de notre ébauche de business plan, car, ne sachant comment s’y prendre, nous les balayions d’un procrastinant « On verra ça plus tard ». Oui, avant de rencontrer Sylvain, on pensait que l’argent allait germer tout seul, en même temps que nos plantes vertes qu’on imaginait égayer notre futur espace.

Bref, il met de l’ordre dans les idées et les planètes commencent à s’aligner.

3 December 2020

Au commencement…

Au commencement, il y a ce besoin de changement, cette envie lancinante d’autre chose, de plus… comment dire ? cohérent ? sensé ? joli ? Ça me reste dans un coin dans la tête, et me frappe de plein fouet le matin, quand la réalité éloigne sans ménagement les rêves de la nuit, juste avant la course contre la montre pour ne pas arriver trop en retard au boulot, après avoir largué les enfants à l’école ou à la crèche. Et puis ça passe car tout compte fait, le job actuel n’est pas si mal, hein, et l’herbe paraît toujours plus verte ailleurs. J’ai l’impression d’être dans un bain dont l’eau commence à refroidir… je peux encore m’y prélasser un petit peu, avant que cela devienne franchement désagréable. Et puis, m’extirper de la baignoire signifie avoir encore plus froid puisque, zut, le peignoir et l’essuie ne sont pas à portée de main… Mais c’est tenace et la sensation floue de ne pas être « à ma place », de louper quelque chose, revient vite. Et en parler fait du bien. Et quoi de plus propice à la discussion qu’un souper entre amis, ventre bien rempli et verres de vin aidant ? Et c’est ainsi qu’un soir de septembre 2019, s’esquisse une possible convergence entre mes aspirations et celles de Noé… Il est temps.

BISOUS <3