15 March 2021

Ne m’oublie pas

Ça sonne comme une injonction… C'est ce que dit Clémence à sa mamy atteinte de la maladie d'Alzheimer. A moins que ce ne soit l'inverse ? La supplication d'une mamy qui s'accroche à ses derniers souvenirs et qui se sent partir ?

Alix Garin nous raconte l'histoire de Clémence qui, en désespoir de cause devant sa mamy qui fugue sans arrêt de la maison de repos et qui risque la camisole chimique, décide de l'emmener en balade. Une longue balade, puisque l'idée de Clémence est de se rendre jusqu'à la maison d'enfance de sa grand-mère, dont cette dernière parle sans arrêt, dans l'espoir de lui remettre la mémoire en place. Une balade mouvementée et rocambolesque, qui fait des détours du côté des propres souvenirs et soucis de Clémence.

Ce roman graphique, il m'est arrivé dans les mains un mois à peine après le décès de ma propre grand-mère, qui s'égarait et se complaisait aussi dans son passé. Qui avait aussi envie de partir de la maison de repos où elle séjournait et qui le faisait savoir en empaquetant ses effets personnels, au grand dam des aides-soignants. Ce récit est déjà émouvant de base, mais alors là, avec ce récent vécu, j'avoue avoir eu plusieurs fois la larme à l’œil...

Les dessins sont terriblement expressifs et en même temps, tout en légèreté. Je n'en reviens pas de l'intensité des expressions ou de certaines scènes, esquissées en quelques traits. J'aime la façon dont l'artiste a utilisé les couleurs, pour rythmer le récit ou traduire une émotion. Je trouve les dialogues vrais, sans rien de superflu, tantôt poétiques, tantôt incisifs.

Bref, oui, j'ai accroché, à fond ! J'en perds peut-être un peu mon sens critique 🙂

Il n'empêche qu'Alix Garin traite un sujet de société, qui a été propulsé d'autant plus sur le devant de la scène en cette crise sanitaire. Le roman questionne nos rapports aux aînés, à nos (grands)-parents vieillissants, à leur dignité, à leur héritage. Et parle aussi de l'urgence de dire les choses avant qu'il ne soit trop tard. En tout cas, c'est l'enseignement que je retiendrai de ce magnifique récit.

Louise.

Alix Garin, Ne m'oublie pas, paru aux Editions du Lombard, 2021

9 February 2021

Une page se tourne…

Aujourd’hui, c’était mon dernier jour à prester en tant que salariée dans un centre R&D liégeois. En partant, j’y ai laissé mon badge d’accès, mon pc, mon téléphone, bref, tout ce qui m’avait été prêté durant ces sept dernières années pour pouvoir mener à bien ce travail de chercheur/ingénieur de projet/ « senior project leader », comme indiqué sur ma carte de visite (et sur toutes celles non distribuées, qui ont fini en un petit tas un peu pathétique dans la poubelle à papier). Une page se tourne, non, bien plus que ça, un chapitre se termine.

Je ne vais pas m’étaler sur mes états d’âme du moment, de la fierté de me lancer en tant qu’indépendante pour un projet qui me tient à coeur à l’anxiété à l’idée de perdre une rémunération stable et confortable ; du soulagement d’avoir l’esprit libéré pour me consacrer exclusivement à Café Joli et Joli Livre à la nostalgie de ne plus vivre ces moments bénis propres à la recherche où – mais ça n’arrive pas souvent – tout s’imbrique finalement, où l’expérience et l’analyse apportent la pièce manquante du puzzle complexe de la Vérité des phénomènes (oui, oui, la Vérité avec un grand V, n'est-ce pas ce que cherche tout chercheur ?).

Hum, y aurait-il une once de regret qui percolerait de ces quelques phrases ? Non, je saute à pieds joints dans cette reconversion professionnelle, mais je retiens en même temps mon souffle. J’espère que je ne chancellerai pas (trop) à la réception !

Je vous entends déjà (enfin, certains !)… Ah mais, qu’est-ce que tu croyais ? Que ça allait être facile ? A piece of cake ? Des coups durs, il y en aura (la crise sanitaire qui s’éternise, en voilà déjà un, et paf !) Maintenant que tu as un vélo, tu pédales !

Euh... oui, bien sûr.  Heureusement, je ne suis pas la première, ni la dernière, à vouloir changer de cap et je peux compter sur celles et ceux qui se sont lancés avant moi, dans l'espoir d'un mieux. Et un témoignage qui m’a rassénérée et confortée dans mon choix, c’est sans nul doute celui de Pedro Correa, qui le relate dans Matins Clairs, Lettre à tous ceux qui veulent changer de vie. Car c’est bien de ça dont il s’agit, d’un changement de vie.

La première fois que j’ai entendu parler de Pedro Correa, c’était, comme pour beaucoup, via les réseaux sociaux. J’ai visionné la rediffusion de son discours aux ingénieurs de l’UCL sur Facebook. Discours inspirant, vrai car personnel, interpellant. C’était au début du premier confinement. Café Joli n’en était qu’à son stade embryonnaire.

Ensuite, la seconde fois, c’est justement un collègue de mon boulot salarié qui me parle de ce livre écrit par un ingénieur de sa promo, devenu photographe, quelqu’un qui a fait le grand écart professionnellement parlant… C’est bon, j’achète !

Pedro Correa explique son parcours. Il détricote sa vie pour comprendre comment il est arrivé à occuper un poste de cadre dans une grande banque avant de tout quitter pour vivre de son art. Il raconte les pressions familiale, sociale, sociétale.

Evidemment, les parallèles se font. A mon tour, j'ai tenté de faire le même exercice en me demandant ce qui m'a conduite là aujourd'hui, à quel point les avis de mes parents et de mes proches ont compté, et surtout, comment je les ai interprétés. Ce livre est une invitation à un travail d'introspection.

Le ton est humble, sincère et c’est ça aussi qui fait mouche : alors, oui, Pedro Correa a magnifiquement réussi sa transition puisqu’il est devenu ce photographe de renom, mais plus encore, un photographe HEUREUX. Mais il n’y a pas une once d’orgueil dans ses propos, pas de « faites comme moi, car moi, je sais COMMENT faire, regardez où j’en suis ». Il tient un discours fédérateur et si galvanisant que lorsque j’ai refermé son livre d'une centaine de pages, j’ai eu le sentiment moi aussi d’appartenir à la Relève, comme il l’appelle, heureuse et avide d’oser le changement.

Chers désormais ex-collègues, vous qui me lirez peut-être, vous que je sens tantôt intrigués, tantôt dubitatifs, lisez ce livre et on en reparle ! Parce qu’on a tous besoin d’inspirations, de remises en question et de clés pour aller chercher le bonheur.

Louise.

En savoir plus sur Pedro Correa : Pedro Correa Fine Art Photography (pedrocorreaphoto.com)

Pedro Correa, Matins Clairs, Lettre à tous ceux qui veulent changer de vie, paru aux Éditions L'iconoclaste, 2020.

BISOUS <3